La politique de la diversité
Et si l’impro fendait quelque peu le carcan comique qui parfois l’étouffe pour respirer plus profondément et prendre un bol d’air vif ? Sortir des sentiers battus de l’humour et parcourir un terrain glissant, telle est l’ambition de cette citoyenne du Plat Pays. Christelle Delbrouck, trentenaire belge, fait partie de ces artistes qu’on qualifie d’engagés. N’allez quand même pas l’imaginer le poing levé à vous rabattre les oreilles avec les derniers scandales gouvernementaux ou les dernières déclarations d’un dirigeant d’entreprise pas très net. Elle serait légère l’ambiance dans la salle, n’est-ce pas ? Plus subtile, la nana. Plus maline aussi. Des idées, des opinions, des positions elle en a. Et elle les fait connaitre, oui, mais toujours avec esprit et drôlerie. Mariage gay, droits sociaux, immigration, peur de l’autre -du Wallon ou du Flamand de son côté du Quiévrain, du musulman ou du Rom, du nôtre-. Tantôt fins, tantôt potaches, ses propos (osons le mot) politiques s’intègrent toujours intelligemment et à petites touches dans l’histoire racontée, lui conférant une dimension sociétale qui fait du bien. Depuis l’adolescence, la comédienne s’intéresse à la portée de l’art dans les civilisations. Au rôle des artistes dans le monde. Ça semble parti pour durer.
Multiplier les expériences
La variété est, paradoxalement, une autre constante de la vie de Christelle Delbrouck ! Se cantonner à un style ou à un décor, très peu pour elle. A 23 ans, diplôme de professeur de français en poche, la jeune femme aurait pu embrasser une carrière stable et confortable. Pas du goût de ses amis, premiers fans de la comédienne, improvisatrice déjà reconnue par ses pairs, qui la convainquent de passer le concours d’entrée au conservatoire. Et la voilà trois ans plus tard et toujours aujourd’hui, boulimique de projets, à enchainer les expériences dans les festivals internationaux et au Magic Land, le théâtre bruxellois qui lui fait office de deuxième maison. Au programme : théâtre de rue, théâtre contemporain ou absurde, spectacle jeune public, films (elle est à l’affiche de Supercondriaque de DanyBoon et de Deux jours, une nuit des frères Dardenne) et naturellement l’improvisation, son péché mignon, cette discipline de « la disponibilité, de l’écoute et de l’humilité ». Qu’est-ce qui attend Christelle Delbrouck en ce moment ? « Par où commencer… »
Fiche artistique
Nom : Delbrouck
Prénom : Christelle
Age : 36 ans
Compétences : comédienne et actrice
Fonction actuelle : comédienne notamment au sein du Magic Land théâtre à Bruxelles
Expériences passées : membre de la compagnie belge Tadam
De quoi ça parle… A vous de me le dire
Lorsque l’on assiste à un spectacle d’improvisation, on ignore ce qui va se dérouler devant ses yeux. C’est le principe même de la chose ! Les comédiens eux-mêmes n’en encore savent rien. Une situation initiale qui a tendance à faire monter la tension. Le public se demande ce qui va se passer. Eh bien, A vous de me le dire, répond Christelle Delbrouck. La comédienne belge entend « mettre en valeur les spectateurs en leur donnant la parole », indique-t-elle. Comment ? En abandonnant les sacro-saints petits papiers griffonnés au profit d’un échange verbal. « Madame, là-bas au fond à droite, y a-t-il un style de théâtre que vous abhorrez ? », « Monsieur, à côté, je suis sûre que vous aimeriez oublier un événement de la journée, non ? », « Mademoiselle, devant, à quoi ressemblait votre premier petit copain ? ». Ainsi s’engage une courte conversation entre la joueuse et le public qui débouche aussitôt sur des séquences d’improvisation aux styles variés. L’artiste met un point d’honneur à alterner les formes écriture passant allégrement du narratif au visuel, de la danse dans chant.
Ce spectacle a rencontré un fort succès en Belgique où il a été joué, sous une forme quelque peu différente, pas moins de 80 fois. Acclamée donc réclamée, Christelle Delbrouck traverse la frontière. Mais conserve son accent des Ardennes.